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Le recrutement : côté entreprise


Un métier et des techniques qui évoluent avec les besoins : de Cro-Magnon à nos jours. Depuis les chasseurs cueilleurs jusqu’aux webmarketeur, en passant par les esclaves, les galériens, le compagnonnage, les monopoles d’embauche, les cabinets de recrutement et les jobs dating ou les concours de la fonction publique et j’en passe, les organisations ont développé des modes de recrutement particuliers et évolutifs en fonction des époques et des évolutions du travail. L’époque actuelle se caractérise par la gestion des candidats sur fichier, comme une matière première et par l’apparition des entretiens en visio. S’ils évitent les déplacements ils font aussi perdre une masse d’information considérable. C’est la donne on ne peut que s’y adapter pour arriver malgré tout à la bonne décision. C’est que la prise de décision dans le domaine du recrutement est un sport convoité (il traduit le pouvoir de celui qui le détient) et dangereux (il est facile de se tromper et encore plus de se voir reprocher une décision malheureuse). De plus c’est un sport d’accès apparemment facile : quel manager admettrait ses hésitations ou ses difficultés pour dégager, après une heure ou deux d’entretien, un avis étayé, balancé (le pour, le contre) et responsable ? Le problème des relations humaines est que chaque personne est humaine et se sent donc compétente. Il en va ainsi dans le recrutement. Chaque manager est censé être compétent, même s’il n’a aucune expérience et aucune formation dans ce domaine. Les décisions d’investissement en matériel ou en communication sont étudiées plus sérieusement que les questions de recrutement. Il faut dire que les hommes, « unique richesse de l’entreprise » n’apparaissent pas dans les bilans qu’ils contribuent pourtant à valoriser. Lorsque l’on est consultant on en arrive donc à des discussions surréalistes, comiques voire affligeantes. Du genre : Les perceptifs « Ce type là je le sens bien (recruteur olfactif ou kinesthésique), j’ai tout de suite vu qu’elle n’était pas claire (recruteur visuel), avec lui ça ne fit pas, je n’ai pas un bon feeling (recruteur sensitif) ». « Là on tient un HP ! Tu as vu cet esprit de synthèse ? Résumer Guerre et Paix en 2 phrases il va faire un malheur au CODIR » Les Sherlock Holmes « J’ai bien vu qu’il y a un trou de 3 mois dans son CV » Ce détective en herbe va généralement conclure « il n’est pas franc, on ne peut pas se fier à quelqu’un qui ment dès le départ » « C’est un barbu ! En général c’est le signe qu’ils ont quelque chose (?) à cacher » « J’ai fait mon enquête : ses clients fidèles l’apprécient (sic) » Les psychologues sauvages ou sociologues débonnaires « Trop jeune, trop tendre X va le manger tout cru » « Il me parait incontrôlable » « Il a fait du rugby, c’est un gagnant ! » « Enfance difficile, il saura se battre » puis le même lors d’un autre recrutement « enfance difficile, il va être fragile ! » Les « recruteurs » précoces Heureusement il reste l’épreuve suprême : le test de la poignée de main, « A sa poignée de main j’ai tout de suite vu le personnage… » dit le recruteur inspiré « Mains molles, moites et froides, quelle horreur ! ». Ça c’est le légiste. A défaut de critères (faute de travail) ou de compétences (faute de formation) on s’accroche pour sauver la face à des « signes qui ne trompent pas », surtout si on ne les confronte pas à des résultats à 2/3 ans ! L’avantage des erreurs de recrutement c’est qu’au bout d’un an on ne recherche pas le coupable puisque c’est le candidat qui ne fait pas l’affaire. La question finalement est de prendre une décision que l’on rêve de prendre, mais aussi une responsabilité que l’on aimerait bien éviter. Normalement un patron assume. Mais en N-1 ou N-2 c’est plus compliqué. On a donc élaboré au fil du temps des démarches en 7 ou 8 étapes étalées sur 2 à 3 mois (séries d’entretiens, tests, réunion de groupes de candidats, psychos, mises en situation…) avec en finale un jury qui tranchera. Du coup on ne saura jamais d’où vient l’erreur. Que du bonheur l’invention les jurys. Dans le même genre il y a les consultants dont on peut s’attribuer les mérites quand tout va bien ou se plaindre de l’incompétence en cas de besoin. Quel est le problème ? Pronostiquer la réussite d’un inconnu dans un poste mal connu ! La solution : étude de poste précise. Trouver un homme avec ses compétences, son histoire et sa personnalité, qui puisse rentrer dans une case définie tant bien que mal par l’étude de poste. En gros mesurer un nuage avec un mètre élastique. L’étude de poste de recrutement (normalement différente de la description de poste) devrait s’en tenir à définir des points que l’on sera capable d’évaluer chez les candidats : 4 à 6 critères semble raisonnable. Sinon c’est chercher le mouton à 5 pattes ! Intéressant mais stupide. C’est déjà compliqué de trouver un bon mouton à 4 pattes, pourquoi chercher le monstre qui peut être n’existe pas. Je passe sur le sourcing qui n’est au fond qu’un problème de notoriété et d’habileté sur le WEB, pour arriver à la sélection des candidats. L’ambiance et les méthodes de recrutement sont les premières images de l’entreprise que l’on imprime chez le candidat et peut-être futur collaborateur. L’outil de base : l’entretien Rayon moyen à la FNAC ou chez Amazon : 1.5 m linéaire de bouquins. Si vous deviez en lire un je vous recommande l’ouvrage « L’art de mener un entretien de recrutement » de Jean Pierre Doury. La logique et le respect des personnes voudraient que l’on équilibre les échanges d’information : - Annonce contre CV, - Présence du candidat contre réception dans les bureaux, - Tests de personnalité contre rapports d’audit ou du CAC. Oups ça ce n’est pas prévu ! Pour les entretiens, trois pratiques auxquelles je tiens :

  • Voir le maximum de candidats dans le minimum de temps. (Ce qui ne signifie pas de bâcler les entretiens : moins de 30 minutes il ne fallait pas le voir, 40 à 60 minutes c’est bien, au-dessus faites plutôt 2 entretiens). Cela facilite les comparaisons. La comparaison des candidats est le meilleur outil du recruteur occasionnel.

Plutôt pratiquer la pêche au filet que la pêche à la ligne (quand le marché le permet). Comment trouver le meilleur candidat si l’on a déjà oublié le profil du précédent ? Souvent les boss calent les entretiens au fil de trous de leur l’emploi du temps. On y perd du sens pour gagner du temps.

  • Organiser la première rencontre avec les 3 ou 4 candidats retenus sous forme de réunion d’information. Diffusion d’une information plus complète pour eux, pas de répétition fastidieuse pour soi et occasion de voir, en light, le comportement et les centres d’intérêt de chacun. Les entretiens suivront. Obligation de dégager une demi-journée d’affilé sur le sujet mais : unité de temps, unité de lieu et unité d’action !


  • Varier autant que possible et raisonnablement les points de vue ; mieux vaut 2 entretiens avec 2 interlocuteurs différents que 2 heures avec le même. Les entretiens à 3 sont à proscrire. Faire intervenir le DRH en expert, le N+1 et le N+2 et faire la synthèse. Confronter les opinions aux autres informations disponibles.

Pour le contenu des entretiens, je préconise une méthode simple : explorer les différents thèmes du CV (état civil, formation, expériences, autres responsabilités et loisirs) en 2 questions : pourquoi avez-vous fait…Qu’en avez-vous tiré ? Au-delà des faits cela permet d’apprécier les moteurs de l’individu et son degré de lucidité. En plus cela évite de se demander quelle question sera la suivante. La comparaison (cf. ci-dessus) des réponses s’en trouve facilitée. Dans le cadre de l’entretien tout est à observer et à analyser ;

  • Les mots utilisés. Par exemple : mon Papa n’est pas équivalent à mon Père, le sentimentalisme de l’enfant n’a pas cours dans le monde du business.


  • Les attitudes, les regards…Peu de choses de ce qui se dit est intéressant, c’est la façon de le dire qui doit vous instruire. Cela demande du travail et de la pratique je vous l’accorde. C’est d’ailleurs pourquoi le recrutement est un métier à part entière.

Le « dit » est en général préparé, travaillé, voire mensonger ; tout du moins marketé. Donc méfiance. Nous même n’avons-nous pas embelli la mariée dans l’annonce ou dans le PWP de présentation de la société ? N’avons-nous pas oublié de mentionner l’hystérique du marketing, le néandertalien du contrôle de gestion et les psychotiques du commercial ? A chacun de décoder la réalité derrière l’image. Cette difficulté amène de plus en plus (pour de gros volumes de recrutements identiques) à construire des simulations de postes « assessement centers» et de comparer les candidats à travers des mises en situations réalistes. Cela permet de se détacher du CV et de voir en modèle réduit ce que valent les différents postulants. Intéressant mais coûteux et technique. Une fois tout ce cheminement accompli il sera toujours temps de passer aux fameuses questions pièges et autres techniques de sadique en herbe visant à tester ou déstabiliser le candidat. Rappelons-nous que nous sommes au sein d’un échange et non dans le cadre d’un interrogatoire à la DGSI. « Ce n’est pas avec du vinaigre que l’on attrape les mouches » disait mon regretté grand père. Quel dommage d’avoir probablement su détecter la perle rare et « en même temps » de l’avoir découragée de nous rejoindre ! A ce stade, je ne peux passer le chapitre des aides à la décision, tant attendu. Les aides à la décision A la FNAC ou dans la grande librairie de votre capitale régionale : au moins 2 m linéaires. Chez Cro-Magnon on faisait un essai avec la massue. OK chasseur, Pas OK cueilleur. Il existe ainsi une foule d’outils aussi hétéroclites qu’inutiles souvent. L’astrologie a, hélas, eu son heure de gloire, sans parler de la graphologie tombée en désuétude avec l’apparition des claviers. La psychologie fut alors convoquée puis les tests de positionnement, de comportement. De nos jours il est devenu fréquent de sonder les savoir être, plus simplement appelés « soft skills », avant de décider de l’engagement d’un collaborateur. On croit rêver ! Le retour de l’Inquisition n’est pas loin. Bien utilisés et rapides à mettre en œuvre l’intérêt majeur de ces différents outils est d’ouvrir le dialogue avec la personne et de mieux en cerner les contours. Mais ces outils doivent rester des aides et non remplacer le décisionnaire. On va en rester là pour ce tour d’horizon rapide des outils d’aide à la décision. En matière de recrutement, le hasard c’est une chance sur 2, le professionnalisme commence au-dessus de 85% de réussite, le graal c’est 100%. Les taux d’intégration méritent d’être surveillés, ils sont l’expression qualitative de la procédure suivie. A 6 mois on détecte les erreurs de casting et à 12 mois les erreurs de suivi ou d’intégration. Au-delà il faut réfléchir au management. Les précautions d’emploi des conditions d’emploi Reste à évoquer les conditions d’emploi : salaire, primes, horaires, télétravail, RTT, congés et…Voiture ! En général le package semble attrayant. Son analyse détaillée est souvent éprouvante, constituée de conditions suspensives, d’objectifs complexes à atteindre et d’aléas qui font que le salaire final annoncé est aussi prévisible et fiable que la météo a 15 jours. C’est souvent l’histoire qui a gravé dans la pierre la grille des salaires de chaque entreprise, de ce fait l’on joue sur les accessoires et les variables. Ce que l’on gagne en souplesse on le perd en clarté. Nous en reparlerons dans le prochain article « vu par le candidat ». Pour conclure (enfin ! je sais…) je voudrais rappeler aux recruteurs que s’ils risquent leur réputation ou leur prime les candidats eux engagent leur vie. L’engagement personnel et émotionnel n’est pas de même nature. L’ambiance et le process de recrutement sont très révélateurs de la culture de l’entreprise et de la valeur de son management. Faites-nous auditer votre processus sans tarder ! Bruno Decolasse – Associé Evolution & Transitions

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