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Histoire de coaching : Emilien l'Apprenti


Le contexte Nous sommes dans une PME florissante du secteur BTP, appelons la X, assez proche d’une startup par son dynamisme créatif et son génie à se positionner sur des marchés de niche. Cela reste toutefois une entreprise traditionnelle du secteur au regard du management assez rustique et de l’activité qui se caractérise par un fort investissement capitalistique (machines et engins) et une faible qualification du personnel. Le recrutement de personnel compétent est difficile : le travail physique en extérieur, 12 mois sur 12, n’est plus très tendance et ne garantit pas la fortune pour autant. L’encadrement est rare aussi, compte tenu des profils recherchés (à la fois technicien, gestionnaire et manager tout terrain) et des tensions sur le marché. Les acteurs Le coaché, Emilien. 27 ans. Ingénieur diplômé d’une grande école par la voie de l’apprentissage dans l’entreprise X. Les 3 années d’alternance se sont bien passées et Emilien a pu apporter ses compétences informatiques et techniques en plus d’un rôle classique de bouche trou et de passages en responsabilités limitées sur chantier. De nature réservée, il ne se fait pas remarquer. Il est calme et bon observateur de la vie de l’entreprise. Sa tendance à dire OUI et une organisation personnelle faillible peuvent le mettre en difficulté. Sa gentillesse lui vaut d’être pardonné. Le Patron, Olivier X, ingénieur, dirige l’entreprise éponyme d’une main de fer dans un gant rugueux. Très technique il aime ces challenges commerciaux où il faut mêler intelligence, connaissance du terrain et créativité pour sortir du lot commun ou de l’appel d’offre. Il aimerait que les hommes et les femmes qui l’entourent partagent la même passion, le même dévouement. Son charisme, son sens de l’équité, sa politique de rémunération compensent en partie une communication très opérationnelle, parfois brutale. La pièce qui se joue Diplôme en poche Emilien est embauché comme ingénieur travaux. Personne ne se pose trop de questions : on se connait n’est-ce pas ? Au contexte près. Il devient cadre et permanent. Responsable de la réalisation des chantiers au prix prévu, il s’implique dans l’organisation des hommes et des moyens, la planification, les relations client et le management des équipes. Emilien va vite découvrir ses lacunes en situation réelle : management de type « copain »s et naïveté commerciale. Autour de lui son collègue André, chef de chantier vieille école promu conducteur de travaux, manager au coup de gueule et gestionnaire au pifomètre ne va pas pouvoir l’aider beaucoup. Les « gens du bureau » vont avoir tendance à l’écraser de demandes plutôt que de l’aider à y faire face. Emilien passe beaucoup de temps au travail et en voiture (il roule beaucoup pour éteindre les incendies) et passe ses soirées à rattraper le travail en retard. Il aime ça, se passionne même si des indicateurs sont au rouge. Le drame se noue Olivier n’est pas toujours disponible et attend que l’on vienne vers lui pour proposer des solutions et non pour exposer des problèmes. Les relations sont bonnes et quasi filiales au début. Quelques erreurs de jeunesse ou d’appréciation vont les détériorer. En particulier des manquements dans le « rendre compte » ainsi que des retards sur chantier ou des matériels en location inutilisés… Emilien se démoralise ayant la peur de décevoir d’une part et de ne pas y arriver d’autre part. Olivier reconnait sa valeur, ses efforts et sa fidélité, voudrait l’aider mais sa manière de faire stresse encore plus Emilien. Finalement il décide de faire appel à un coach. Sage décision. Réunion tripartite classique en début de mission aux objectifs clairs : Emilien doit grandir, prendre confiance en lui et gagner en autorité. Pendant ce temps le boss admet un droit à l’erreur. Happy end ? Coaching Emilien est plutôt introverti, Olivier extraverti. Les relations de ces 2 profils sont toujours difficiles, par la difficulté qu’il y a à accepter les différences. L’un parle sans arrêt tandis que l’autre réfléchit et réciproquement. « Il parle sans réfléchir et du coup change d’avis » percute alors le « il réfléchit beaucoup et décide trop tard ». Sur le plan de l’organisation personnelle et de la gestion du temps même opposition : Emilien du genre « last minute.com » doit faire face à Olivier « le voyage organisé ». Imaginez 150 personnes attendant dans l’avion les 3 retardataires coincés au lounge de la business class le temps de finir leur bière. Finalement on part tous ensemble, mais le meurtre reste une hypothèse envisageable. Les premiers rendez-vous permettent à Emilien de faire le point et d’exprimer son vécu. « J’ai la boule au ventre le matin à l’idée de recadrer certains compagnons dans l’équipe » ou « je remets à plus tard des rendez-vous client qui seront difficiles… » « Mon amie trouve mes horaires extravagants ». Tout cela ne traduit en fait que son désir de bien faire et souvent de faire au lieu de faire faire. Il a peur de décevoir Olivier qu’il considère comme l’homme qui lui donne sa chance, lui qui n’est qu’un imposteur. Il n’est pas à l’aise dans le rôle alors que le contexte (terrain, construction, travail en équipe, autonomie) lui convient bien et qu’il s’y plait. Il réalise que surinvestissement ne veut pas dire bons résultats. Il réduit drastiquement ses déplacements et les organise mieux. Il gère davantage son temps et essaie de se préserver des moments pour prendre du recul et organiser l’action. Se réserver du temps pour lui, sa famille et ses loisirs un peu délaissés. Rendre compte et échanger avec X ou André qui ont de l’expérience et l’aideront à ne pas rester seul face à ses angoisses. Parallèlement il réalise que les hommes du chantier sont habitués à un management à la dure et que son attitude de demandeur les perturbe mais ne les oblige pas : « je ne suis pas très obéi », « ils ne me donnent jamais leur avis même si je fais une erreur ». Il se rend compte en séance que c’est difficile pour lui de s’y prendre autrement pour l’instant : issu d’une famille d’ouvriers il a l’impression de trahir sa classe s’il impose ses ordres : la lutte des classes a laissé des traces…Par la suite quelques éléments d’analyse transactionnelle lui permettront de décrypter le « ce qui se passe » derrière le « ce qui se dit ». Utile mais pas suffisant. Epilogue Le coaching remet Emilien sur pieds mais souligne aussi que tout le monde n’est pas apte à réussir dans tous les contextes. La question se pose donc pour Emilien de savoir si la poursuite dans la voie management travaux va lui convenir après un temps d’adaptation ou si au contraire elle va le conduire à l’échec, voir au burnout. Olivier prend patience mais se demande si son investissement a été bien placé : l’homme est parfait mais va-t-il se révéler et devenir son second dans 3 à 4 ans ? Dans une PME il n’y a souvent qu’une voie pluridisciplinaire qui mène à la direction d’unités. Morale de l’histoire Pour Olivier l’une des causes de son problème avec Emilien réside dans le fait qu’il l’a connu en tant qu’apprenti et le transpose sans autre forme de procès en conducteur de travaux. Or les 2 statuts sont différents et font jouer des ressorts différents. S’il n’y a pas erreur sur la personne, il subsiste un risque sur ses chances de succès dans un emploi nouveau pour lequel elle n’est peut-être pas formatée. D’autant plus que l’accompagnement et la formation au nouvel emploi furent réduits au minimum. « On se connait déjà depuis 3 ans ». Nous reviendrons dans un prochain article sur ce problème. Le coaching peut améliorer des situations en apportant des approches, des méthodes et des réflexions différentes de celles mises en œuvre et qui ne marchent pas. Il peut permettre d’adapter des comportements, de faire varier le jeu. Il ne change jamais la donne. Bruno Decolasse – Associé Evolution & Transitions

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